Les Grands tétras peu farouches
Voici plusieurs années que le phénomène des Grands tétras peu farouches se multiplie.
Il existe deux comportements différents mais qui semble des manifestations du même phénomène. Ils se produisent durant des phases de vie différentes de l’individu mais chaque oiseau est particulier.
- Les peu farouches calmes : rapprochement vers les hommes, indifférence ou absence de fuite à l’approche d’un homme (là aussi comportement variable) mais pas devant les prédateurs. Ce sont souvent des oiseaux immatures de 1ère année
- Les peu farouches agressifs : comportement de parade nuptiale très démonstrative voire agressive vis-à-vis de l’homme. Les oiseaux défendent un territoire. Ils sont souvent plus agés et localisés en forêt.
Ce phénomène est-il nouveau ?
D'après une étude menée en France, en Suisse et en Italie, le nombre de cas recensés de tétras ayant un comportement anormal n'a cessé d'augmenter les 30 dernières années de l'étude (graphique ci-contre). Ces données sont tout de même à mettre en parallèle avec l'augmentation de la pression d'observation. En effet, les ornithologues sont devenus plus prolixes et les massifs sont de plus en plus fréquentés par les randonneurs, skieurs et vététistes, ce qui augmente les chances de rencontre. La diffusion de ces rencontres est également facilitée par les réseaux sociaux.
Ce phénomène touche-t-il beaucoup d'oiseaux ?
On estime que ce comportement touche 1 individu pour 1000 dans les populations de bonne dynamique (Finlande...) mais 1 pour 100 dans les populations dites "moyennes" comme c'est le cas dans notre massif.
Est-ce une maladie ?
Non, les principales maladies chez le Grand tétras sont létales et touchent généralement les jeunes oiseaux de 3 à 6 mois. Or certains individus ont vécus plusieurs années avec ce comportement. Les diverses analyses ne montrent aucun dysfonctionnement. Les oiseaux sont en bonne santé et parfaitement autonomes.
Quel est le lien entre ces deux comportements ?
Un Grand tétras suivi par télémétrie dans les Pyrénées a montré que l'individu avait un comportement plutôt "calme" le premier semestre et un comportement "agressif" au second semestre.
PS : le braconnage de cet oiseau au mois de janvier n'a pas permis de suivre son comportement pour les mois de février et mars.
Est-ce que ce comportement ne touche que le Grand tétras et que les mâles ?
Dans 86% des cas, ce comportement anormal touche les mâles mais quelques cas ont également été observés chez les poules. Cela se traduit par une sollicitation en position d'accouplement vis à vis de l'homme.
Jusqu'à présent chez les tétraonidés, seul le Grand tétras présentait ces signes de comportement. Or, très récemment, nous avons appris qu'un mâle de Gélinotte des bois dans les Alpes italiennes avait attaqué un photographe. Cette découverte nous montre que ce comportement érotomane est encore mal connu et expliqué par le monde scientifique.
Alors finalement, de quoi ça vient ?
Malheureusement, cela reste encore flou aujourd'hui. Plusieurs hypothèses ont été mises en avant :
- un problème pathologique, mais cela a vite été écarté comme expliqué ci-dessus;
- une mutation génétique qui entraine la perte de la crainte de l'homme;
- un manque de contact avec d'autres congénères...mais là aussi mis de côté car le nombre de cas n'est pas forcément plus important dans les Vosges et les Cévennes alors que les niveaux de populations sont encore moins bons que dans le massif jurassien;
- une imprégnation durant les premiers jours de vie... là encore cette hypothèse semble peu plausible eu égard à la difficulté d'une telle manipulation avec d'autres oiseaux (oies par exemple)
À l'heure actuelle ce phénomène reste inexpliqué.
Est-ce que ces oiseaux vivent moins longtemps ?
Généralement oui car les risques de braconnage, de collisions et d'attaques par les chiens sont plus importants. Cependant, dans le Jura, sur la commune de Mignovillard, un coq à vécu 8 ans avec ce comportement et un autre en Autriche à vécu 13 ans ! La survie de ces individus dépend donc de nous !
Que faire en cas de rencontre ?
Chaque cas est différent, mais voici quelques conseils en cas de rencontre :
- Le signaler au Groupe Tétras Jura ou à l'Office Français de la Biodiversité ou au Parc Naturel Régional du Haut Jura ou à la Réserve Naturelle Nationale de la Haute Chaine du Jura (sur son territoire);
- Ne pas chercher la confrontation;
- Ne pas s'approcher de l'oiseau et continuer son chemin;
- Tenir son chien en laisse;
- Ne pas nourrir l'oiseau;
- Ne pas faire de publicité notamment à travers les médias.
Campagne de baguage et de suivi de ces oiseaux aux comportements inhabituels
Suite à l'apparition de deux Grands tétras aux comportements inhabituels pendant les vacances de Noël 2014 sur le Haut-Jura, le Groupe Tétras Jura a lancé une réflexion sur l'intérêt de suivre d'un peu plus près ces oiseaux.
Pierre Durlet ( bagueur collaborateur du CRBPO) a déposé une demande de programme personnel, pour des recherches faisant appel au baguage auprès Centre de Recherches sur la Biologie des Populations d'Oiseaux (CRBPO), département du Museum National d’Histoire Naturelle. L’autorisation a été attribuée jusqu'en 2021, à l'échelle du massif jurassien français.
Les objectifs de ces baguages sont multiples. Dans un premier temps, ils permettront d'étudier :
- les déplacements des individus (superficie et utilisation du territoire en fonction des saisons)
- l'activité au moment de la reproduction (participent-ils à la reproduction sur les places de chant)
- l'évolution comportementale au cours de la saison, de l'année et de la vie de l'individu
Chaque individu est équipé de deux bagues, 1 bague de couleur permettant une identification à distance et une bague en aluminium, plus petite, possédant le code du Muséum d'histoire naturelle de Paris.
Parallèlement à ces études comportementales, des mesures biométriques et des prélèvements (plumes, crottes, prise de sang) sont effectués afin de connaitre :
- l'âge et le sexe des individus;
- le taux de parasitisme par analyse des crottes émises au moment de la capture, donnant une information sur son état de santé;
- le marquage génétique de l'individu à partir des plumes, afin de pouvoir l’identifier si des crottes sont retrouvées ultérieurement;
- l'état physiologique et notamment hormonal grâce à une prise de sang.
Le 17 février 2015, un des deux individus a été capturé et équipé. La manipulation s'est bien déroulée. La quasi totalité des prélèvements et mesures a été faite en une quinzaine de minutes. Après le relâché, l'oiseau est reparti tranquillement en forêt en maintenant un comportement de parade. Après une première tentative qui a échouée pour le second individu (l'oiseau n'a pas été retrouvé), une seconde tentative réussie à eu lieux le 28 février.
N'hésitez pas à nous faire remonter vos observations, lieux précis, dates et heure, couleur de la bague, comportement de l'individu (agressif - calme)... !!!
Le Groupe Tétras Jura se tient à votre disposition pour toute question supplémentaire et est prêt à intervenir dans le cadre d'une conférence comme celle organisée à Lajoux le 14 janvier 2015 qui a attiré une cinquantaine d'habitants.