L’Obligation Réelle Environnementale, un outil au service de la biodiversité
Créée par la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, l'Obligation Réelle Environnementale (ORE) est un outil contractuel de droit privé, conclu entre un propriétaire et un bénéficiaire, personne morale, publique (ex. : collectivité ou établissement public) ou privée (ex. : association, fondation, conservatoire), permettant au premier de s’assurer que l’intérêt environnemental de son bien sera préservé à long terme, dans l’intérêt général.
DE QUOI PARLE-T-ON ?
L’ORE est attachée au bien et non à la personne ; elle se transmet de propriétaire en propriétaire, pour la durée du contrat et crée une obligation « de faire ou de ne pas faire », dans le but de protéger l'environnement et, plus spécialement, la biodiversité.
En ce sens, son objet est plus large que la simple servitude légale ou conventionnelle ; il vise à encourager les propriétaires fonciers à contribuer à la protection de l’environnement, en cas de transmission de leur bien, par cession ou par succession, pour maintenir, ou, comme le précise la Loi, conserver, gérer ou restaurer des éléments de la biodiversité, et les fonctions écologiques remplies par ce bien.
L’ORE peut aussi être utilisée à des fins de compensation des impacts résiduels d’un projet de travaux ou d’équipements sur l’environnement.
QUEL INTÉRÊT ?
Le propriétaire peut ainsi s’assurer que son bien sera préservé durablement, après son décès ou en cas de vente éventuelle ; ses efforts en faveur du maintien de l’intérêt environnemental du bien, seront pérennisés avec des garanties légales et sérieuses qui s’imposeront au bénéficiaire et aux futurs propriétaires.
Il peut aussi à cette occasion obtenir des pouvoirs publics, un relatif allègement de la charge fiscale liée à la propriété du bien.
Enfin, c’est un moyen pour lui de répondre à l’obligation qui peut lui être imposée par la Loi, non seulement d’éviter et réduire les impacts sur l’environnement d’un projet, par exemple d’équipement ou de travaux, mais également de compenser les effets résiduels qui en résulteront.
QUELS OBJECTIFS ?
L’ORE vise essentiellement deux objectifs :
- faciliter le développement d'actions durables, permettant de stopper l'érosion de la biodiversité[1] ;
- permettre à un propriétaire de pérenniser, de façon simple, ses efforts de conservation de la biodiversité présente sur son bien.
QUELS EFFETS ?
L’ORE engage réciproquement le propriétaire et le bénéficiaire pour la durée du contrat, devant notaire, sous forme authentique et selon les règles du Code civil. Le contrat fixe la nature et la portée des engagements de chaque partie, il précise également les conditions de révision éventuelle et de résiliation de l’accord. Sa durée ne peut excéder 99 ans.
Si le propriétaire a consenti un bail rural sur son fonds il ne peut en revanche mettre en œuvre une ORE qu'avec l'accord préalable du preneur et sous réserve des droits des tiers. L’ORE ne peut non plus remettre en cause les droits liés à l'exercice de la chasse, ni ceux relatifs aux réserves cynégétiques.
Les parties sont exonérées du paiement des droits d'enregistrement et de la taxe de publicité foncière (art. : 662 et 663 du Code général des impôts) et les communes peuvent exonérer les propriétaires ayant conclu une ORE, du paiement de la taxe foncière sur les propriétés non bâties.
QUEL CONTENU ?
Les parties définissent le contenu de l’ORE comme elles l’entendent, dès lors que ce contenu porte sur des "méthodes culturales respectueuses de l'environnement « et respecte le Code civil.
A titre d’exemple, le contrat d’ORE peut dresser une liste des obligations « de faire ou de ne pas faire » sur la propriété, ainsi que les droits que le propriétaire entend conserver ; il peut aussi fixer les modalités de visite des lieux et d’accès à la propriété par le bénéficiaire ainsi que les sanctions applicables en cas de violation des engagements, voire déterminer les règles de paiement des impôts, de publicité et toutes autres formalités à accomplir, y compris en cas de révision ou d’extinction de l’ORE.
A minima, le contrat précisera :
- la capacité légale des parties co-contractantes ;
- la durée et la nature des engagements réciproques ;
- la légalité de ces engagements, dans le cadre et les limites imposées par la Loi ;
- les règles de garantie et de sanction éventuelle d'une méconnaissance de leurs engagements, par l’une et l’autre parties au contrat ;
- le cas échéant, les contreparties et/ou rémunération du débiteur ;
- les conditions dans lesquelles les parties doivent se tenir informées et dialoguer en vue d’exécuter leurs engagements réciproques, et le mode de règlement de leurs différends ;
- les conditions de révision/résiliation du contrat ;
- la conformité aux lois et règlements relatifs tout particulièrement à la protection de la biodiversité.
La publicité foncière de l’ORE est obligatoire ; elle permet d'informer les acteurs de l’existence de l’obligation.
Florence Lethier
[1] La biodiversité est définie dans la Loi comme étant « la variabilité des organismes vivants de toute origine, y compris les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques, ainsi que les complexes écologiques dont ils font partie … » (art. L.110-1 du code de l'environnement)